« Oel ngati kameie »

Placé au milieu de la session, ce n’est pas un hasard si le « All Schools Bash » déchaine les passions. Pour certains, il est un danger, la tentation de recourir à l’anglais alors que la signature de l’engagement d’honneur n’a pas encore un mois. Pour d’autres, c’est une bouffée d’air frais, une occasion de se ressourcer, de faire baisser la tension générée par la pratique quotidienne et exclusive d’une nouvelle langue qu’ils ne maîtrisent pas.

Vous êtes tous, à votre manière, des Jake Sully. Dans le film “Avatar” de James Cameron, le personnage principal se retrouve sur la planète nouvellement découverte Pandora. Là, il va faire face à une culture dont il ignore presque tout, et devra apprendre très rapidement un langage dont il ne connaît ni les codes les plus élémentaires, ni les subtilités.

James Cameron est connu pour son perfectionnisme. Pour que son projet corresponde à ses exigences, le réalisateur a créé un univers complexe, possédant un écosystème développé, riche et vaste. Les Na’Vi, la race mi-humaine, mi-féline qui peuple les denses forêts de Pandora, n’a pas échappé à cette règle.
Si vous êtes tous des Jake Sully, l’École de français est en quelque sorte votre petite Pandora et nous autres professeurs et assistants sommes les Na’Vi ; nous parlons une langue étrange, nous venons d’une culture souvent mystérieuse, et nous sommes tous d’une beauté frappante.
Mais je m’égare.

James Cameron a doté la langue des Na’Vi de sons provenant de langues et dialectes qui existent sur terre. Pour accroître le réalisme, le réalisateur américain a également imaginé des expressions à la signification profonde.

Parmi celles-ci, « Oel ngati kameie » tient une place toute particulière dans le film. En français, la traduction est « Je te vois ». C’est une salutation très respectueuse, qui ne doit pas être prise au sens littéral. Elle ne se contente pas de décrire la simple vue de l’autre, mais exprime la profonde compréhension qui peut unir deux individus qui se comprennent et qui se respectent, qui se voient vraiment dans toute leur complexité.

Durant ces trois dernières semaines, j’ai fait de mon mieux pour apprendre à vous connaître tous. En vous croisant j’ai vu la tension, l’inquiétude et la fatigue sur vos visages et dans vos yeux. J’ai essayé, avec force sourires et plaisanteries, de vous soutenir de mon mieux, de vous transmettre mes encouragements par-delà les mots.

Mais samedi dernier, lorsque j’ai vu vos expressions ravies, votre soulagement, votre plaisir à retrouver pour une soirée l’usage de vos ressources linguistiques, lorsque nous avons parlé, lorsque vous m’avez lancé ces sourires lumineux, lorsque vous avez enfin pu exprimer vos doutes, vos espoirs, vos plaisirs à apprendre le français, j’ai cru vous voir, un instant. Peut-être que vous aussi, pendant ces instants trop courts, vous m’avez vu.

Oel ngati kameie, mes amis.

Alex Crémieu-Alcan

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